Dre Annie Ross, DMV, IPSAV
Quelles sont les tâches qu’un médecin vétérinaire peut déléguer et, plus spécifiquement, à qui peut-il les déléguer ? Ces deux questions sont d’actualité puisque la pression n’a jamais été aussi forte depuis le début de la pandémie dans le milieu vétérinaire.
Plusieurs médecins vétérinaires cherchent des solutions pour pallier la tâche grandissante occasionnée par une multitude de facteurs tels que la pénurie de main-d’œuvre générale, l’augmentation des besoins de la clientèle et du nombre d’animaux, les règles sanitaires, etc. Comment être plus efficace dans ce contexte ? Comment s’en sortir ? Une partie de la réponse est la suivante : savoir déléguer.
Cela peut paraitre bien simple pour certains, mais cela n’est pas toujours évident pour d’autres. Après tout, on le sait, le médecin vétérinaire reste entièrement responsable, en tout temps, même lorsqu’il délègue. Il doit donc s’assurer que les personnes à qui il délègue soient bien formées, compétentes et qu’elles connaissent les limites de ce qu’elles peuvent faire. Le médecin vétérinaire doit aussi être disponible en vue d’une intervention dans un court délai, conformément à ses directives ou à l’ordonnance qu’il a émise. Malgré tout, la délégation d’actes est absolument essentielle pour être en mesure d’augmenter l’efficacité et la rentabilité, entre autres choses.
Pour ce faire, il faut comprendre le Règlement sur les actes qui, parmi ceux constituant l’exercice de la médecine vétérinaire, peuvent être posés par des classes de personnes autres que des médecins vétérinaires (Chapitre M-8, r. 1). Je vous recommande de lire un texte que j’ai écrit à ce sujet pour Univet et qui a été publié dans ces pages récemment. J’y décrivais les actes qui peuvent être délégués aux techniciens en santé animale (TSA) et listais plusieurs exemples concrets. Je présenterai aussi une conférence sur le même sujet (intitulée Actes délégués : médecin vétérinaire, TSA, aide-TSA, qui peut faire quoi ?) au congrès annuel de l’AMVQ ce printemps. Cela pourrait vous intéresser ! Parallèlement, l’AMVQ est en train de préparer une guide pour aider les médecins vétérinaires à y voir plus clair à propos des actes délégués. Gardez l’œil ouvert !
Pour les besoins du lecteur, je ferai tout de même un rappel des trois actes qui peuvent être posés par le TSA diplômé et l’étudiant en médecine vétérinaire ayant terminé sa première année de son programme d’étude :
1Qu’est-ce qu’un court délai ? Il s’agit d’un délai raisonnable qui varie selon la situation. Le jugement professionnel s'impose ici.
2Pour simplifier la lecture du présent texte, j’y réfèrerai par la suite en tant que règlement sur les « actes délégués ».
Outre les tâches pouvant être déléguées aux TSA diplômés, comment mieux utiliser les autres employés de soutien en clinique ? Avant d’y arriver, il faudrait d’abord faire un rappel des tâches qui sont strictement vétérinaires. Quels actes doivent absolument être posés par un médecin vétérinaire dans un contexte de pratique en établissement ? Bref, qu’est-ce qu’on ne doit pas déléguer en tant que médecin vétérinaire ?
Les actes qui constituent l’exercice de la médecine vétérinaire sont cités à l’article 7 de la loi sur les médecins vétérinaires : « Constitue l’exercice de la médecine vétérinaire tout acte qui a pour objet de : donner des consultations vétérinaires, faire des examens pathologiques d’animaux, établir des diagnostics vétérinaires, prescrire des médicaments pour animaux, pratiquer des interventions chirurgicales vétérinaires (ceci inclut aussi les points de suture) et traiter des affections médicales vétérinaires en faisant usage de procédés mécaniques, physiques, chimiques, biologiques ou radiothérapiques ». Ici, le seul acte pouvant être délégué aux TSA est de traiter des affections médicales vétérinaires. Encore faut-il que le médecin vétérinaire le prescrive ! Pour tout le reste, on parle d’actes « réservés ».
Même si ce n’est pas explicite dans le texte, toute l’analyse ou l’interprétation d’une situation médicale vétérinaire est aussi de nature strictement vétérinaire. On parle ici de l’analyse d’un cas médical, d’un dossier, de l’interprétation des résultats de tests, etc. Bref, l’interprétation qui nous mène à un diagnostic.
Je vous propose un petit exercice à faire dans les prochains jours : chaque fois que vous vous apprêtez, comme médecin vétérinaire, à faire une nouvelle tâche au travail, demandez-vous si celle-ci fait partie de la liste présentée ci-haut. Si ce n’est pas le cas, réfléchissez ! À quelle classe de personne pourriez-vous la confier et que pourriez-vous mettre en place dès maintenant pour alléger votre travail par la suite ?
Fait intéressant ! L’OMVQ est présentement en processus de modification dudit règlement sur les actes délégués. Ces modifications règlementaires doivent être soumises à l’Office des professions (OPQ). On peut donc s’attendre à voir des changements, mais malheureusement, ce ne sera pas dans un très court délai. Ces choses-là prennent du temps. L’OMVQ met tout en œuvre (politiquement et administrativement) pour que le dossier soit mis en priorité à l’OPQ. Cela étant dit, malgré les changements qui viendront éventuellement, le défi demeure de savoir bien utiliser les TSA et les autres employés de soutien.
Quelles tâches peuvent être faites par des employés de soutien autre que les TSA diplômés ? Il y en a plusieurs ! Voici des exemples : contentions d’animaux, toilettage, entretien ménager, faire fonctionner l’autoclave, préparer les kits chirurgicaux, envoyer des échantillons au laboratoire, gérer le matériel et l’équipement, faire l’entretien préventif, l’inventaire, les commandes, la réception ou la gestion des stocks, faire des tâches administratives diverses et de secrétariat (faire payer le client, gestion de l’agenda, etc.) et, finalement, présenter des instruments stériles en chirurgie, au besoin.
Un autre exemple intéressant ayant trait aux médicaments. Bien que l’ordonnance ou la prescription de médicaments comme telle ne puisse jamais être déléguée et reste un acte purement vétérinaire, la préparation (l’exécution de l’ordonnance) de médicaments peut, elle, être faite par n’importe quel employé sous la supervision du médecin vétérinaire. Dans tous les cas, le médecin vétérinaire doit toujours vérifier le contenant et le contenu de la médication avant sa remise au client.
D’autres tâches peuvent être faites par les employés de soutien autres que les TSA, elles doivent cependant faire l’objet d’un suivi de la part d’un médecin vétérinaire. Par exemple, entrer des données dans un logiciel ou un dossier bien que celles-ci doivent être vérifiées et paraphées par une personne autorisée. De même, un employé de soutien pourrait prendre une première anamnèse avec le client cependant, une deuxième anamnèse devra obligatoirement être faite par le médecin vétérinaire. Finalement, un employé de soutien peut aussi manipuler l’appareil anesthésique mais ceci doit être fait sous l’ordre direct du médecin vétérinaire, et ce, uniquement pour des commandes très simples relayées par celui-ci.